Ce site est vivant : il est régulièrement mis à jour et remanié au fil du temps et des découvertes de documents et informations et certaines sections sont en cours de construction.

Il est donc fortement conseillé d'y revenir régulièrement !

Gouache de Claire Hénault (détail)

HISTOIRE DU GROUPE

Les différentes formations du groupe au fil du temps

Les Escholiers :

Jean-François Dutertre

Jean-Loup Baly

Jacques Benhaim (Ben)

Photo D.R.

Mélusine :

Quatuor

Jean-François Dutertre

Jean-Loup Baly

Emmanuelle Parrenin

Dominique Regef

Photo Guy Grégoire

Mélusine :

Trio

Jean-François Dutertre

Jean-Loup Baly

Yvon Guilcher

Photo Dominique Lemaire

Duo

Jean-François Dutertre

Jean-Loup Baly

Mélusine (quatuor et trio):

Jean-François Dutertre

Jean-Loup Baly

Yvon Guilcher

Jacques Mayoud

*****

Jean-François Dutertre

Jean-Loup Baly

Jacques Mayoud

Photo Bruno Flament

L'histoire du groupe plus en détails

Où l'on verra comment, grâce à un milieu favorable, des guitares, des banjos, et du folksong américain ont pu se transformer progressivement en quelques mois en épinettes (avec un état intermédiaire : le dulcimer), flûtes et pipeaux, vielles à roue, violoncelle, et chansons traditionnelles en français.

Le groupe Mélusine va naître dans la mouvance du mouvement folk en France. Les origines de ce mouvement artistique et politique remontent à 1967. C'est à cette date que se rencontrent des jeunes musiciens dans le cadre du hootenanny hebdomadaire (le mardi soir) que Lionel Rocheman organisait depuis 1964 au Centre américain de Paris (American Center for Students and Artists) qui se trouvait boulevard Raspail.

Ces scènes ouvertes du mardi soir au Centre américain et les prolongations de soirées animées au café tout proche "Le Raspail vert" vont être l'occasion de rencontres entre différents groupes de musiciens plus ou moins amateurs et disparates (entre autres Jean-François Dutertre; Jean-Loup Baly - ce dernier arrivant en 1967 au hootenanny entraîné par le précédent;  Ben - Jacques Benhaïm; Jean-Pierre Morieux; Emmanuelle Parrenin; Dominique Maroutian; Catherine Perrier et John Wright; Claude Besson; Philippe Fromont; Christian Leroi-Gourhan; Tran Quan Hai etc.).

Le hootenanny de Lionel Rocheman

Lionel Rocheman vers la fin des années 1960.

1967

L'amitié, qui remonte à l'enfance, entre Jean-François Dutertre et Jean-Loup Baly est le fil conducteur de l'histoire du groupe Mélusine depuis ses prémices jusqu'à la fin des l'aventure en 2000.

Jean-François Dutertre et Jean-Loup Baly

Tous les deux sont nés à Paris en 1948 dans le 15ème arrondissement. La famille de Dutertre est d'origine normande (Boucé et Rânes dans l'Orne). La famille maternelle de Baly est originaire de Franche-Comté (Montseugny en Haute Saône).

Dutertre grandit dans le 15ème arrondissement alors que la famille Baly déménage rapidement en Savoie. Vers 1957, la mère de Jean-Loup Baly revient s'installer à Paris avec ses enfants. C'est à cette époque que les Jean-Loup et Jean-François, qui ont neuf ans, se rencontrent au groupe des scouts de Saint-Lambert de Vaugirard (obédience catholique) du 15ème arrondissement. La famille de Jean-François Dutertre n'est pas du tout versée dans la musique, alors que chez Jean-Loup Baly, on chante tout le temps sous l'impulsion de sa mère qui lit la musique et utilise des recueils de chants pour la jeunesse (notamment ceux publiés dans les années 1940 par Paul Arma - par exemple "Jeunesse qui chante"); ces carnets de chants comprennent de nombreuses chansons d'origines traditionnelle et ancienne. 

Durant les activités régulières de scoutisme, Baly et Dutertre vont entretenir leur goût pour la chanson. Pour s'accompagner, ils vont se mettre à gratouiller de la guitare à l'adolescence.

Jean-François Dutertre vers 1965.

Photo Jacques Mayoud

Jean-Loup Baly vers 1965 -1967.

Jean-François est plus actif et se passionne pour le folksong américain qu'il chante en s'accompagnant de sa guitare. Son répertoire de l'époque vient essentiellement des disques Folkways qu'il s'achète ; Bob Dylan et Woody Guthrie sont ses modèles. Il a pour camarades de collège Jacques Benhaim (dit Ben) et Jean-Pierre Morieux.

Tous les trois fréquentent la MJC de Brancion dans le 15ème et découvrent le Centre Américain tout proche (dans le 14ème, au 261 boulevard Raspail) où Lionel Rocheman organise depuis 1964 des soirées musicales le mardi soir (hootenannies). Jean-François Dutertre y entraîne naturellement peu après son copain des scouts Jean-Loup Baly.

C'est probablement durant ces soirées "hootenannies" au Centre Américain de Paris que Jean-François développe un intérêt pour les percussions, et notamment les tambourins et les cuillers, dont le guitariste américain Roger Mason est un virtuose (il avait lui-même appris le jeu des cuillers musicales auprès de Maurice Walsh, un anglo-irlandais de Liverpool rencontré quelques années auparavant aux hootenannies). Jean-Loup Baly s'essaie quant-à-lui à la flûte à bec soprano (modèle scolaire).

Jean-François Dutertre fait des études de lettres modernes à la Sorbonne et Jean-Loup des études de physique. Les deux compères sont, comme on l'a vu, un peu musiciens, mais c'est surtout la chanson qui les intéresse et Jean-Loup a déjà un penchant marqué pour les histoires, le conte.     

L'intérêt de Jean-François Dutertre pour la chanson et le chant transparaît bien dans le sujet de son mémoire de maîtrise qui s'intitule "Gérard de Nerval et la chanson populaire", soutenu en octobre - novembre 1970. Cet intérêt pour la chanson traditionnelle francophone lui restera toute sa vie. Dutertre sera pendant une courte durée enseignant en français en secondaire avant d'être employé par le Musée de l'Homme de Paris comme phonothécaire jusqu'en 1972. Jean-Loup sera lui aussi enseignant pendant quelque temps, maître auxiliaire en mathématiques.

Jean-Loup et Jean-François en 1971 lors d'une émission de télévision d'Épinettes et Guimbardes, produit par Lionel Rocheman.

Roger Mason aux cuillers, à côté de Jean-François Dutertre jouant de la guitare. Kiosque des Buttes Chaumont en 1969.

Roger Mason aux cuillers au sein du groupe Grand-mère Funibnus Folk en 1971.

Le groupe britannique "The Watersons", source d'inspiration pour les polyphonies vocales des Escholiers. "The Old Churchyard" par "The Watersons" ici. La parenté est évidente.

L'une de leurs polyphonies a été enregistrée lors d'un concert collectif en plein air organisé par la MJC de Brancion au Square Saint Lambert dans le 15ème arrondissement de Paris en 1969. Il s'agit d'une chanson qui a été publiée par Théodore Gérold dans son ouvrage "Chansons des XVe et XVIe siècles avec leurs mélodies", 1913, page 65, chanson XLIX (Della la rivière). À écouter ici.

En 1967, Jean-François Dutertre et Jean-Loup Baly fréquentent donc assidûment les "hootennanies" du Centre Américain de Paris. Il chantent en trio avec un autre copain, Philippe Hauguel. Mais Jean-Loup n'est pas à l'aise avec l'anglais et voudrait plutôt chanter en français.  Dans ces soirées "scène ouverte", ils découvrent un répertoire français qu'ils ne soupçonnaient pas, notamment grâce à Lionel Rocheman, l'organisateur de ces soirées musicales, qui leur ouvre sa bibliothèque personnelle riche de nombreux recueils de chansons traditionnelles françaises et de chansons anciennes (XVème au XVIIème siècle). Les deux amis sont enthousiasmés et décident alors de former, avec Jacques Benhaim ( dit "Ben", l'ancien camarade de collège de Jean-François) un petit groupe pour visiter et interpréter ce répertoire francophone. C'est ainsi que prend forme le groupe "Les Escholiers" dont le nom vient très probablement du nom de la rue faisant face à la maison de la grand-mère de Jean-François Dutertre à Rânes en Normandie où il a passé de nombreuses vacances. Très inspirés par "The Watersons", un groupe britannique qui a déjà sorti deux disques à l'époque,  les trois compères vont s'essayer à chanter des chansons traditionnelles et anciennes a capella en polyphonies à trois voix, créées d'oreille, et s'accompagnent aussi parfois d'instruments ( flûte à bec, tambour, guitare, cuillers, banjo).

Les Escholiers

Hasard ou probable origine du nom du groupe ? La rue des Escholiers à Rânes en Normandie, face à la maison de la grand mère de Jean-François Dutertre.

Les Escholiers. De gauche à droite : Jacques Benhaim (Ben), Jean-François Dutertre et Jean-Loup Baly, vers 1971.

1967

Emmanuelle Parrenin est née en 1949. Elle grandit dans une famille de musiciens classiques. Son père est le fondateur du célèbre quatuor Parrenin et sa mère était professeure de harpe au conservatoire de Lille. Elle a donc baigné dans la musique classique toute son enfance, même si ces parents ne lui ont pas transmis de véritable pratique musicale. Adolescente, elle se met à la guitare et forme un ami qui l'entraîne au hootenanny du Centre Américain. Là, elle est fasciné par la vielle, instrument qu'elle découvre et dont joue Christian Leroi-Gourhan, habitué des soirées du mardi au Centre Américain.

Emmanuelle Parrenin arrive vers 1967 au hootenanny du Centre américain de Paris et découvre la vielle

Christian Leroi-Gourhan et sa vielle, vers 1969 (on aperçoit Jean-François Dutertre à l'arrière).

Photo Dominique Lemaire

Tous ces gens déjà nommés (la bande Dutertre, Baly, Ben, Morieux, Emmanuelle Parrenin, Dominique Maroutian,  le couple  Perrier-Wright, Christian Leroi-Gourhan etc. ) qui se rencontrent au centre américain sympathisent très vite, se produisent plusieurs fois dans les soirées musicales organisées par la MJC de la Porte de Brancion toute proche, et se produisent en groupe sous le nom de "the incredibly strong band" (Catherine Perrier, John Wright, Jean-François Dutertre, Jean-Loup Baly, Jacques Benhaim (Ben) et Jean-Pierre Morieux - le nom du groupe étant un clin d'oeil au groupe  britannique "The Incredible String Band" très en vogue parmi les musiciens folks en France - voir ici), qui devient quelques temps plus tard "l'indiscible folk"  (avec au moins deux musiciens supplémentaires : Christian Leroi-Gourhan et Dominique Maroutian).

The incredibly stong band, l'indiscible folk et le Bourdon

1968 - 1969

De retour d'un weekend en Grande-Bretagne, Jean-Pierre Morieux rapporte un dulcimer. Tout le monde s'enthousiasme et Christian Leroi-Gourhan - le farfeluthier du groupe - se met au travail (un peu plus tard, ce sera Robert Rongier qui produira des dulcimers - de meilleure facture - pour les musiciens du Bourdon).

Le dulcimer arrive en France...

Quelque temps après, l'américaine Mary Rhoads débarque aux hootenannies du Centre américain avec son dulcimer.

Emmanuelle Parrenin, Mary Rhoads, Jean-Pierre Morieux et Ben au dulcimer, 1971.

Dulcimer d'Emmanuelle Parrenin fabriqué par James Trussart au début des années 1970

Photo Jean-François Mazet

"L'Indiscible Folk" a enregistré en 1969 une maquette d'album qui ne verra jamais le jour. Voir ici.

The incredibly strong band ou l'Indiscible folk... ? MJC de Colombes en 1969. De gauche à droite : John Wright, Jean-Loup Baly, Jean-François Dutertre, Catherine Perrier, Jacques Benhaim (Ben) et Jean-Pierre Morieux

John Wright (violon), Jean-François Dutertre (guitare), Catherine Perrier (chant), Jacques Benhaim (Ben) au banjo et Jean-Pierre Morieux (dulcimer)

En 1968, Jean-François Dutertre et Jean-Loup Baly se rendent en Irlande.

Jean-François y découvre probablement le bodhrán, ce grand tambour très utilisé dans la musique traditionnelle irlandaise, et Jean-Loup abandonne petit à petit sa flûte à bec scolaire et adopte le pipeau irlandais à six trous (le tin whistle).

Jean-François Dutertre jouant d'un grand tambourin à la manière d'un bodhran irlandais.

Jean-Loup Baly avec un "pipeau" (tin whistle" de la marque "Generation").

En 1969 et en 1970, Les Escholiers (Jean-François Dutertre, Jean-Loup Baly et Ben), Emmanuelle Parrenin et d'autres partent pour un voyage d'étude et collectages au Québec.

Ce voyage était offert et organisé par l'office franco-québécois pour la jeunesse. Il a permi le collectage de nombreux morceaux instrumentaux et chansons, qui seront la matière du volume 7 de l'Anthologie de la Musique Traditionnelle (Chant du Monde / Le Bourdon LDX 74759 - Chansons et musiques traditionnelles du Québec - 1983).

Les membres de l'Indiscible Folk et quelques autres musiciens habitués du hootenanny vont bientôt décider la création d'une structure qui pourrait mieux correspondre à leur façon d'envisager la pratique musicale, qui donnerait une place plus importante à la chanson traditionnelle francophone et aussi à d'autres musiques de traditions extra-européennes, et surtout qui exclurait les auteurs-compositeurs : c'est ainsi que le premier folk-club français, Le Bourdon, est créé en décembre 1969. C'est John Wright qui a l'idée du nom du club et qui en dessine le logo. Les soirées auront lieu chaque lundi soir. La première séance a lieu le lundi 15 décembre 1969.

Les membres fondateurs du Bourdon sont au nombre de vingt-quatre : John Wright, Catherine Perrier, Jean-François Dutertre, Jean-Loup Baly, Jean-Pierre Morieux, Jacques Benhaim, Dominique Maroutian, Christian Leroi-Gourhan, Emmanuelle Parrenin, Philippe Fromont, Christian Becquet, Martine Habbib, Claude Lefebve, Marie-Hélène Sardina, Youra Marcus, Gabriel Yacoub, Jean-Pierre Chavannaz, Claude Besson, Tran Quan Hai. Steve Waring, Roger Mason, Alan Stivell, Jean-Claude Hainemann, Claude Roussel.

The incredibly strong band ou l'Indiscible Folk et d'autres musiciens au square des Buttes Chaumont (de gauche à droite : John Wright, Christian Leroi-Gourhan, Steve Waring, Catherine Perrrier, Roger Mason, Jean-François Dutertre, René Zosso). Vers 1969.

Les Escholiers, the incredibly strong band et l'Indiscible Folk vont se produirent régulièrement dans les années 1969 et 1970, dans les soirées folk de la MJC de Brancion mais aussi bien sûr au Bourdon et dans d'autres lieux (ERA à Genève en Suisse. festivals de Lambesc en 1970; Catacombs folk club à Paris etc.)

L'Indiscible Folk chante "La petite hirondelle" (première plage de la première face) sur le disque qui sort après le festival de Lambesc. Les Escholiers participent aussi au festival mais ne figurent pas sur le disque.

Après le festival de Lambesc en 1970, Ben quitte le groupe Les Escholiers pour une autre aventure (Grand'mère Funibus Folk) mais Jean-François et Jean-Loup continuent de chanter ensemble et avec l'un des frères de Ben, Dan ou Dany (Daniel Benhaim).

Jusqu'en 1970, les instruments du folk naissant étaient, outre la guitare et le banjo, la rare vielle à roue (dont les deux seuls joueurs étaient Christian Gourhan et René Zosso), le violon (Phil Fromont, John Wright, puis les frères Benhaim), la flûte et le pipeau, les tambourins, cuillers et triangle et surtout le dulcimer des Appalaches dont beaucoup jouaient (Emmanuelle Parrrenin, Jean-François Dutertre, Ben, Jean-Pierrre Morieux, Claude Besson etc.). 

À partir de 1970, les joueurs de vielle à roue vont se multiplier et l'instrumentarium des folkeux va s'étoffer grâce à la découverte de l'épinette (des Vosges) et de l'accordéon diatonique. Jean-François Dutertre et Jean-Loup Baly vont rapidement délaisser la guitare et le dulcimer pour l'accordéon diatonique, la vielle à roue et l'épinette des Vosges. 

1969-1972

la vielle à roue s'impose, l'épinette et l'accordéon diatonique font leur entrée !

En 1969, Jean-François, Ben, Emmanuelle Parrenin et d'autres grattent du dulcimer. Un beau jour, Dominique Maroutian (joueur de banjo) signale à Jean-François Dutertre qu'il existe un équivalent au dulcimer en France, ça s'appelle l'épinette : il l'a entendu sur un disque des Ménestrels de Gérardmer ("Folklore des Vosges, épinettes... chants... danses"). Jean-François Dutertre commande à Christian Gourhan une épinette, mais il ignore encore tout de la façon d'en jouer. Dutertre trouve un disque des Gauch'nots et Gauch'nottes qui comprend deux solos par Madame Laure Gravier du Val d'Ajol (écouter ici).

En 1969, Jean-François Dutertre, Jean-Loup Baly et d'autres découvrent l'épinette des Vosges.

1969

Août 1970 : Jean-François Dutertre, Jean-Loup Baly, Emmanuelle Parrenin (et Ben) partent pour un voyage d'étude sur l'épinette dans les Vosges, et rencontrent Laure Gravier.

1970

Valse de Dorothée jouée par Mme Laure Gravier. Extrait de l'émission "les Vosges" de France Vernillat dans la série d'émissions "Folklore de France" diffusée sur la première chaîne de l'ORTF le 16 novembre 1964.

On trouvera plus de détails sur ce voyage dans les Vosges sur le site entièrement dédié à l'épinette ici.

Lors de cette première visite dans les Vosges, l'équipe du Bourdon a pu rencontrer Madame Laure Gravier, une des dernières détentrices de la tradition de jeu de la petite épinette de la région du Val d'Ajol. L'équipe a pu la photographier et l'enregistrer. Malheureusement, aucun film n'a été tourné à ce moment puisque Jean-François Dutertre et compagnie n'avaient pas de caméra. Ils reviendront en 1971 mais Laure Gravier sera alors décédée. Elle a heureusement été filmée par la télévision française en 1964, voir ci-dessous.

Jean-François Dutertre - en visite chez Christian Leroi-Gourhan - dans un émission d'Épinettes et guimbardes en 1971.

Voir l'extrait de l'émission ici.

Christian Gourhan, le "farfeluthier" du Bourdon, fabrique des épinettes pour Jean-François Dutertre, Jean-Loup Baly, Emmanuelle Parrenin et les autres.

Photos Dominique Lemaire

1971

Jean-François Dutertre à l'ERA (Études et Rencontres Artistiques) à Genève en 1971.

Jean-Loup Baly et l'une de ses premières épinettes.

Participation de la joyeuse bande à l'émission " Épinettes et guimbardes", de Lionel Rocheman - 1971.

Jacques Benhaim (Ben), John Wright, Lionel Rocheman, Jean-Pierre Morieux, Jean-François Dutertre (à l'épinette ! - au fond), Christian Leroi-Gourhan

Le groupe "l'indiscible folk" était un groupe à géométrie variable, composé d'une dizaine de musiciens. Le groupe n'a eu qu'un seul passage télévisuel, pour un instrumental, dans l'émission "Épinettes et guimbardes" de Lionel Rocheman en mai 1971. Voir l'extrait de l'emission ici.

Fin juin 1971 deuxième voyage d'étude sur l'épinette dans les Vosges, rencontre avec Jules Vançon

Photo Dominique Lemaire

Fabrication d’une épinette du Val d’Ajol par Jules Vançon -1964- Folklore de France, les Vosges ORTF. Extrait de l'émission "les Vosges" de France Vernillat dans la série d'émissions "Folklore de France" diffusée sur la première chaîne de l'ORTF le 16 novembre 1964.

On trouvera plus de détails sur ce voyage dans les Vosges sur le site entièrement dédié à l'épinette ici.

Lors de ce deuxième voyage, Jean-François Dutertre était accompagné d'un ami photographe, Dominique Lemaire ainsi que de Robert Rongier, un monteur de cinéma. L'équipe s'était aussi muni d'une caméra et a pu réaliser un film sur Jules Vançon, un des derniers fabricants de la petite épinette du Val d'Ajol. Ce film a été déposé aux archives départementales des Vosges, où il y est visionnable. Mais l'ORTF avait déjà filmé Jules Vançon quelques années auparavant, en 1964, pour une émission de télévision, voir ci-dessous.

Fin juin 1971, une dizaine de musiciens du Bourdon sont invités par René Zosso à l'E.R.A. (Études et Rencontres Artistiques) de Genève pour deux semaines de concerts et d'ateliers. Ils y retourneront en 1972.

À partir de 1970 ou 1971, Jean-François Dutertre et Jean-Loup Baly chantent et jouent régulièrement avec Dany (Daniel Benhaïm, qui chante et joue du violon et du diato). Ils jouent régulièrement avec le Grelot Bayou Folk. Jean-François Dutertre joue toujours de la guitare à cette époque.

1971, Gentse feesten (les fêtes de Gand, Belgique) - le Grelot Bayou Folk (avec Jean-Loup Baly à l'épinette) en compagnie entre autres de Catherine Perrier, John Wright et Emmanuelle Parrenin.

Détail d'une affiche pour une soirée folk le samedi 4 décembre 1971 de la MJC de Marseille.

1972

1972, le Grelot Bayou Folk (avec ici Jean-François Dutertre, Hal Collomb et Daniel Benhaim).

Photo Dominique Lemaire

Vers 1970-1971, Emmanuelle Parrenin et Jean-François Dutertre se mettent à la vielle à roue.

Emmanuelle Parrenin entend pour la première fois une vielle à roue jouée par Christian Leroi-Gourhan au hootenanny du centre américain et tombe amoureuse de sa sonorité. Elle décide qu'elle jouera de cet instrument. Elle acquiert une vielle ronde retrouvée dans le grenier d'une vieille maison (plus tard, elle trouvera une vielle Pimpart (Jenzat, Allier) plate chez l'antiquaire spécialisé en instruments de musique situé du coin de la place des Vosges, "le boucher".

Jean-François Dutertre est avant tout chanteur. Il découvre la vielle à roue et les possibilités qu'elle offre pour le chant en assistant à un récital de René Zosso dans un théâtre de la rue Mouffetard à la fin des années soixante. C'est le coup de foudre du chanteur pour l'instrument. Il demande à Maxime Boireaud, luthier installé à Lyon et qui fabrique des vielles depuis peu de lui fabriquer une vielle plate. Peu de temps après, il trouve une vielle ronde Pimpart (Jenzat, Allier) chez l'antiquaire Vian près de l'Odéon.

Emmanuelle Parrenin et Jean-François Dutertre avec leurs premières vielles.

Vielle Pimpart de Jean-François Dutertre. C'est sa deuxième vielle, achetée chez l'antiquaire du quartier de l'Odéon vers 1971 - 1972.

Vielle Pimpart d'Emmanuelle Parrenin, achetée plus tard (vers 1974) chez l'antiquaire de la Place des Vosges à Paris ("Le boucher").

Jean-François Dutertre avec sa première vielle fabriquée par Maxime Boireaud, vers 1973.

Vielle plate fabriquée par Maxime Boireaud pour Jean-François Dutertre. C'est sa première vielle.

Jean-François Dutertre en 1971 avec sa vielle plate fabriquée par Maxime Boireaud.

Recto et verso du dépliant du récital de René Zosso "Le dur désir de durer" auquel Jean-François Dutertre a assisté à Paris vers 1969.

Photos Dominique Lemaire

Photo M. Delluc

Photo Jean-François Mazet

En 1972, Jean-François Dutertre commande une grande épinette à Robert Rongier.

C'est probablement vers 1971-1972 que Jean-François Dutertre, trouve dans la boutique d'Alain Vian, un antiquaire spécialisé dans les instruments de musique situé près de l'Odéon à Paris une petite cithare pourvue d'une double caisse de résonance qui lui donnait des allures lointaines de dulcimer. Le marchand expliqua qu'il s'agissait d'une épinette des Vosges. Il existait en effet dans les Vosges, au Val d'Ajol, une petite cithare qu'on posait sur une table pour en jouer et qui possédait, comme l'instrument de l'antiquaire, des cordes mélodiques tendues au dessus d'une touche frettée diatonique (les chanterelles) et des cordes d'accompagnement (les bourdons) tendues sur le reste de la table d'harmonie. Mais l'instrument connu dans les Vosges n'avait pas de double caisse de résonance et se présentait sous la forme d'une petite caisse parallélépipédique oblongue; de plus, il ne possédait le plus souvent que deux chanterelles et trois bourdons alors que celui acheté par Jean-François Dutertre était pourvu de sept cordes, probablement trois chanterelles et quatre bourdons au vu de la répartition et de la position des chevilles métalliques d'accordage sur la tête de l'instrument. Du fait de son mauvais état, l'instrument n'était pas jouable et Jean-François Dutertre demanda alors à Robert Rongier, qui s'essayait à la fabrication de dulcimers pour ses amis du Bourdon, de lui fabriquer un instrument en s'inspirant de celui qu'il venait d'acquérir mais de plus grande taille (ce qui permettait un accordage plus adéquat à l'accompagnement du chant), comme celle des grandes épinettes dites de Gérardmer (popularisée par Jean Grossier et son groupe folklorique des Ménestrels de Gérardmer). Enfin, il préféra réduire le nombre de cordes à cinq (deux chanterelles et trois bourdons) comme sur les petites épinettes encore fabriquées et jouées au Val d'Ajol. Jean-François Dutertre avait à cette époque eu l'occasion de rencontrer ces deux types d'épinettes lors de ses voyages d'études de 1970, 1971 et 1972 dans les Vosges. Enfin, il opta pour une touche très plus large pour permettre le dédoublement des chanterelles et le jeu aux doigts (sans noteur) qui permettait de faire quelques accords simples. Robert Rongier se mit à l'ouvrage et c'est ainsi que que quelques semaines plus tard naissait la première épinette du mouvement folk français.

Plus d'info sur l'arrivée de l'épinette dans le folk sur le site epinettesetcetera.com entièrement dédié à ce type d'instrument ici.

Extrait du carnet de commande de Robert Rongier

Photo Dominique Lemaire

Photo Ph. Vionnet.

Photo Jean-François Mazet

Photo Jean-François Mazet

Emmanuelle Parrenin commande également une grande épinette à double caisse à Robert Rongiier.

Extrait du carnet de commande de Robert Rongier

Photo Ph. Vionnet.

À la même époque (1971-1972), Jean-Loup Baly, qui joue déjà de l'épinette et du pipeau, se met à l'accordéon diatonique.

Photo Dominique Lemaire

L'accordéon diatonique arrive au bourdon dès 1970-1971. L'américain Roger Mason, membre fondateur du bourdon avec Jean-Loup Baly, Jean-François Dutertre et les autres, travaille en 1970 au Musée des Arts et Traditions Populaires; il obtient un financement du CNRS pour une mission en Louisiane, un travail d'enquête et de collectage. Il ramène de ce voyage un accordéon diatonique cajun puis il se rend chez Paul Beuscher à Paris, mais sans succès, l'instrument y est inconnu. à la même époque, Daniel Benhaim arrive au bourdon avec un vieil accordéon Hohner que lui a donné une amie. Roger Mason décide d'aller chez Hohner en Forêt noire où il apprend que l'instrument ne se vend plus vraiment depuis les années 1930 et que le seul marché pour cet instrument est Madagascar. L'accordéon diatonique va pourtant faire des émules parmi les musiciens du Bourdon. Après Dany Benhaim et Roger Mason,  Jean-Loup Baly sera le troisième du Bourdon à l'adopter. Jean-Loup y voit surtout un instrument d'accompagnement du chant et développera un jeu personnel adapté à cet usage. C'est surtout le modèle viennois de la marque Hohmer qui va se répandre dans le folk au début.

Roger Mason à l'ERA de Genève, 1971 avec un diato de style cajun.

L'un des accordéons diatoniques de Jean-Loup Baly. Modèle viennois de Hohner.

Daniel Benhaim en 1972 (Péage-de-Roussillon avec un modèle Erica de Hohner et à Solliês avec un modèle viennois de Hohner).

Jean-François Dutertre et Jean-Loup Baly chantent toujours ensemble, dans le cadre du groupe Grelot Bayou Folk avec entre autres Hal Colomb et Dany (Daniel Benhaïm). Il vont aussi former un trio avec Daniel Benhaim qui tournera sous le nom du Bopurdon notamment en Isère et ils se produiront aussi au festival de Vesdun en août 1972 (voir plus bas).

On peut entendre le trio Dutertre Baly Dany - sur le disque "Musique populaire d'expression française" sorti en 1972 (Expression spontanée n° 7) dans une version angevine de la chanson "Buvons en une, buvons en deux...", chantée a capella en polyphonie à trois voix ici.

Au même moment, début 1971, Dominique Regef découvre la vielle grâce au disque de René Zosso et en 1972, il débarque au Bourdon.

Dominique Regef est né en 1947 à Paris. Il vient d'un milieu de musiciens amateurs où l'on pratiquait la musique de chambre classique en famille. Son instrument de prédilection était alors le violoncelle.

Vers 1966, il découvre la chanson française à travers les disques de Charles Trénet, Edith Piaf et surtout Georges Brassens. Il s'achète une guitare et commence à chanter. Il fréquente le petit conservatoire de Mireille. Étudiant en économie puis en publicité, il découvre en 1968 le centre américain de Paris et ses soirées "scènes ouvertes" (les hootenannies du mardi) où il franchit le pas et chante pour la première fois en public : il y chante notamment deux chansons de Michel Polnareff ("Le temps a laissé son manteau" sur un texte de Charles d'Orléans et "Le bal des laze"). Tout en continuant de fréquenter de temps en temps le centre américain pour s'entrainer à chanter en public, il passe une audition dans un cabaret de la rue Mouffetard et s'y fait engager (le cabaret "Le Bus" était installé dans un ancien bus parisien, il déménagera ensuite dans la cave d'une ancienne boulangerie de la même rue et deviendra "Le Pétrin" où Dominique Regef chantera aussi). Son tour de chant comprend des chansons de Georges Brassens, de Félix Leclerc, mais aussi des chansons d'origine traditionnelle tirées des répertoires de Jacques Douai, Serge Kerval et Guy Béart entre autres. De retour du service militaire, il participe avec une bande d'amis à une tournée improvisée en Provence : "Les troubadours de la cour des Miracles" se déplacent en chariots attelés, s'arrêtant de village en village pour y chanter des chansons et réciter de la poésie.

Puis il découvre enfin la vielle à roue et ses possibilités grâce au disque de René Zosso (paru en 1968 : "René Zosso chante et vielle" au Chant du Monde). Cet enregistrement sera pour lui un choc artistique qui le décidera à délaisser la guitare pour la vielle à roue.

Après plusieurs visites chez Alain Vian (le frère de Boris), antiquaire spécialisé en instruments de musique dont le magasin se situait rue Grégoire de Tours près de l'Odéon, il trouve enfin une vielle qu'il achète 3000 francs grâce aux cachets de ses tours de chants. L'antiquaire lui indique quelqu'un qui pourra lui enseigner l'instrument : il s'agit de Georges Simon, maître sonneur vielleux berrichon et luthier qui avait à l'époque son atelier à Belleville.

Dominique Regef prend contact avec Simon et participe durant l'été 1971 à deux stages décisifs pour son apprentissage de la vielle : le stage d'été que le vielleux berrichon anime chaque année au Pont-Chrétien dans le Berry et le stage de musique modale et de chant sur les bourdons que "À Coeur Joie" organise avec le vielleux et chanteur hélvète René Zosso dans le cadre des Septièmes Choralies de Vaison-la-Romaine. Mais sa vielle fonctionne mal et de retour à Paris, il retourne chez l'antiquaire et réussit à l'échanger contre une vielle de meilleure qualité musicale. Dominique Regef se rend ensuite régulièrement à l'atelier de Georges Simon à Belleville les samedis après-midis pour profiter de ses conseils de jeu. Il participera encore deux années de suite au stage d'été du Pont Chrétien (en 1972 et 1973).

C'est donc parrallèment et indépendamment du Bourdon - qu'il ne connait pas encore - que Dominique Regef se met à la vielle à roue. Il entend parler du Bourdon en 1972 et s'y rend pour la première fois. Tout le séduit dans le folk-club : l'esprit de famille, le côté marginal, souterrain (au sens propre et figuré !), le côté chaleureux, le partage. Il y rencontre pour la première fois Emmanuelle Parrenin, Jean-François Dutertre, Jean-Loup Baly entre autres.

Jean.-François Dutertre et Emmanuelle Parrenin jouent aussi de la vielle à roue depuis quelques mois et en août 1972, ils suivent Dominique Regef au stage d'été de Georges Simon au Pont-Chrétien. René Zosso, qui est un ancien de ce stage, y sera aussi.

Photo Ph. Vionnet.

Photo Dominique Lemaire

En 1972, Jean-François Dutertre, Emmanuelle Parrenin et Dominique Regef participent au stage de vielle au Pont-Chrétien dans le Berry avec le maître sonneur berrichon Georges Simon.

Debout au rang arrière : René Zosso et Dominique Regef (respectivement 2ème et 7ème en partant de la gauche); assis au premier rang : Emmanuelle Parrenin, Jean-François Dutertre et Christie Gibbons (respectivement 5ème, 6ème et 7ème en partant de la gauche); debout de dos à droite : Georges Simon. Stage du Pont-Chrétien, été 1972.

Le Bourdon, en collaboration avec le folk-club La Chanterelle de Lyon, organise le premier festival de musique traditionnelle a Vesdun dans le Cher les 12 et 13 août 1972.

Au festival de Vesdun, Jean-Loup Baly, Jean-François Dutertre et Emmanuelle Parrenin sont présents. Sur le disque paru à la suite du festival, on les entend jouer un instrumental "La quenouillée", une danse du Berry, accompagnés par Dominique Maroutian au banjo..

Photos Dominique Lemaire

Dutertre, Baly et Benhaim (Dany) se produisent en trio en Isère entre autres régions ainsi qu'au festival de Vesdun en août 1972, comme on l'entend dans un enregistrement amateur (réalisé par Mme Monique Baly-Petit). "Honoré mon enfant...", chantée a capella en polyphonie à trois voix ici.

Ils donnent aussi en trio un mini-concert durant ce festival de Vesdun, enregistré par Mme Monique Baly-Petit ici.

1971-1972, Jean-François Dutertre et Jean-Loup Baly se produisent régulièrement avec Daniel Benhaim (Dany) ainsi qu'avec son groupe Grelot Bayou Folk.

1972 à Angers - le Grelot Bayou Folk (Hal Collomb au chant, Diane Holmes Brown au dulcimer, Daniel Benhaïm au violon) en compagnie de Jean-Loup Baly à l'épinette et Jean-François Dutertre à la vielle (photo Josseline Le Bourhis)

Septembre 1972 voit la parution du premier numéro de la revue Gigue. Le rédacteur en chef et l'initiateur en est Jean-François Dutertre. Tous les numéros numérisés, voir ici.

Yves Guilcher est né en 1942. Il est le fils de l'ethnologue et historien de la danse Jean-Michel Guilcher. Durant toute son enfance, Yves, dit Yvon, accompagne ses parents Hélène et Jean-Michel dans toutes leurs enquêtes de terrain et leurs campagnes de collectage. Il est donc très tôt en contact avec des danseurs et chanteurs traditionnels que ses parents filment et enregistrent.

Il joue de la flûte à bec d'oreille depuis l'âge de douze ans, ayant développé un style qui lui est propre, aux ornementations inspirées du violon traditionnel, du chant et de la cornemuse. Pour l'anecdote, sa première flûte soprano lui a été donnée par l'illustratrice Gerda Muller que connaissait bien Jean-Michel Guilcher du fait de leur collaboration à plusieurs albums pour la jeunesse publiés au Père Castor. La flûte à bec ou flûte douce est l'unique instrument dont il joue. Il est aussi chanteur mais surtout, il est  danseur, baignant dans l'héritage culturel et le savoir de son père sur le sujet., et passionné de countrydances anglaises, de danses écossaises et irlandaises, dont les airs constituent l'essentiel de son répertoire à la flûte.

À l'époque de son arrivée au Bourdon, Yves Guilcher est germaniste, agrégé d'allemand, et il enseigne déjà l'allemand au lycée militaire de Saint-Cyr-l'École dans les Yvelines, ce qu'il fera jusqu'à sa retraite, à côté de ses autres activités.

Il arrive au Bourdon dès la première session du lundi 15 décembre 1969 entraîné par Donatien Laurent. Ils y chantent quelques chansons en breton  ("kan ha diskan"). À cette époque, il ne connaît la chanson traditionnelle que par les vieux paysans informateurs de ses parents. Il connaît aussi les interprétations qu'en font certains chanteurs "rive gauche" comme Jacques Douai ou Yves Montand par exemple. Yvon Guilcher découvre au Bourdon des gens différents, aux cheveux longs, enthousiastes, qui chantent et font de la musique tout le temps en s'appropriant le répertoire traditionnel francophone d'une façon originale. Mais son sentiment est mitigé et il est assez critique voire agacé par ces "jeunes bourgeois qui voulaient s'emparer d'un truc qui ne leur appartenait pas".  Il garde donc une certaine distance pendant un certain temps, tout en continuant d'assister de temps en temps aux séances du lundi soir.

Mais tout arrive et il se rendra compte que ces jeunes citadins (plutôt que bourgeois) aimaient sincèrement ce répertoire et qu'il régnait au Bourdon une ambiance de partage et de communion dans la musique et le chant qu'on ne trouvait nulle part ailleurs.

Courant 1971, Guilcher se trouvant dans l'auditoire du Bourdon profite d'un blanc après que Jean-François Dutertre ait fini une chanson pour chanter à son tour une chanson traditionnelle en français a capella. Dutertre est vivement impressionné par la façon de chanter d'Yvon, qui tranche avec les habitudes de beaucoup de chanteurs au Bourdon : il chante d'une voix naturelle - non nasillarde -  et utilisant un vibrato assez marqué.

Puis, durant l'été 1971, Yvon Guilcher contacte Robert Dubuc - ingénieur du son au Musée des Arts et Traditions Populaires - à qui il doit rendre un magnétophone que son père l'ethnologue Jean-Michel Guilcher lui avait emprunté pour un collectage. Robert Dubuc possède une maison en Haute-Normandie à La Chète où il prévoit d'organiser une petite fête avec des amis musiciens et y invite donc tout naturellement Yvon à cette occasion. Parmi les personnes présentes se trouvent le québécois Conrad Laforte (alors bibliothécaire aux Archives de Folklore de l'Université Laval à Québec - présent en France pour participer à un colloque au tout nouveau Musée des Arts et Traditions Populaires) et sa femme Hélène Gauthier aisni que Catherine Perrier, John Wright et Jean-François Dutertre déjà croisés au Bourdon. Tout le monde chante. Dutertre commence à chanter "Je n'avais qu'un épi de blé...", Yvon "répond" en reprenant ce premier vers comme dans la tradition. Ils poursuivent et finissent la chanson de la même façon, Jean.-François menant et Yvon répondant. C'est l'entente immédiate. Après cette partie de campagne normande, Dutertre et Guilcher continuerons de chanter ensemble ce type de chansons "à répondre" et se constituerons un large répertoire.

C'est aussi à cette époque qu'Yvon Guilcher apparaît vraiment dans le paysage...

Yves Guilcher en 1964

La première flûte d'Yvon Guilcher, qui lui a été donnée par l'illustratrice Gerda Muller.

Yves Guilcher en 1965

Le duo Dutertre - Guilcher se consacre exclusivement à la pratique du chant à répondre francophone et utilise la technique du tuilage. Jean-François Dutertre apporte parfois un élément rythmique par son jeu de cuillers. Le duo se produit en public, comme on peut l'entendre ci-dessous lors d'un festival (non identifié) probablement courant 1973. L'enregistrement (réalisé par Mme Monique Baly-Petit est malheureusement de mauvaise qualité, mais il constitue un document de l'histoire du mouvement folk en général et du groupe Mélusine en particulier).

Courant 1972, Jean-François Dutertre et Yvon Guilcher forment un duo a capella.

Un projet discographique se dessine et ils enregistrent un album début 1973 qui sortira la même année chez EMI Pathé Marconi et auquel participent également les deux soeurs d'Yvon, Mône et Naïk. Le disque est préfacé par Jean-Michel Guilcher et l'illustrtaion de la pochette est l'oeuvre d'Yvon Guilcher. Tout est bien dans ce disque, sauf le titre choisi par la maison de disque qui n'a aucun sens et qui révolte les interprètes.... Le titre qui était prévu à l'origine était pourtant sobre et clair : "Chansons de tradition pour danser".

On les entend aussi au Bourdon, comme en témoigne la chanson "M'en revenant de bordeaux" qui figure sur le disque Musique populaire d'expression françise paru en 1972 chez Expression spontanée.

En mars 1973, Dominique Regef, Emmanuelle Parrenin, Jean-Loup Baly et Jean-François Dutertre enregistrent avec d'autres membres du Bourdon (Dominique Maroutian., Phil Fromont, Yvon Guilcher, Gwenaël Béchu) un album collectif (sorti fin 1973).

En parallèle de son travail avec Yvon Guilcher, Jean-François Dutertre continue de jouer et chanter avec son ami d'enfance Jean-Loup Baly.

Mai 1973, Privas en Ardèche : c'est la naissance d'un nouveau groupe, Mélusine, une formation en quatuor, composé de Jean-François Dutertre, Jean-Loup Baly, Emmanuelle Parrenin et Dominique Regef.

Photo Ph. Vionnet.

Après un stage à Privas en Ardèche en mai 1973, Jean-François Dutertre et Jean-Loup Baly proposent à Emmanuelle Parrenin et Dominique Regef de s'associer pour créer un nouveau groupe. Alain Jolliot, l'un des organisateur du stage de Privas, leur propose de s'installer dans la vielle maison de pierre qu'il vient d'acheter aux Granges sur le plateau du Coiron. C'est parfait pour les quatres musiciens qui vont s'y installer en résidence pendant plus d'un mois pour travailler à la mise au point de leur répertoire. Toutes les terres autour appartiennent à un berger, Louis Basset, qui y fait paître ses moutons, aidé de deux autres bergers; l'un d'eux, René Bêton leur chante une version de "La voilà la jolie vigne" (c'est cette version qui figurera sur le seul disque du groupe version quatuor qui paraîtra en 1975).

Le tout nouveau groupe donnera son premier concert au théâtre de Privas début juin 1973, spectacle qui comprenait aussi un aspect narratif à base de contes élaborés par Jean-Loup Baly et de grosses marionnettes à tige (réalisées en grillage et papier mâché) sortes d'alter egos des quatre musiciens chanteurs.

Plateau de Coiron, résidence de Mélusine aux Granges, mai-juin 1973 - photos collection Claudine Baly.

La maison des Granges et les environs, plateau du Coiron en juin 2024 (photos Claudine Baly).

Le répertoire du nouveau groupe comprend la chanson "C'est aujourd'hui le premier d'avril", chanté par Jean Pirot, un chanteur traditionnel enregistré par le folkloriste berrichon Roger Péarron. On peut entendre l'original par Jean Pirot suivie de la version qu'en donne le quatuor Mélusine ici.

Le nom du groupe est choisi par Jean-François Dutertre : Mélusine.

Jean-François Dutertre a passé de nombreuses vacances scolaires en Normandie chez ses deux grand-mères, à Boucé et à Rânes, deux villages distants de 8 kilomètres. Il se trouve que la maison de sa grand-mère de Rânes jouxte le château qui est associé à une légende médiévale, celle de la fée de la forêt d'Argouges, Andaine, qui n'est autre qu'un des avatars de la fée Mélusine. Comme Mélusine, Andaine était mariée à un seigneur qui devait respecter un interdit vis-à-vis de son épouse, sous peine de la voir disparaître à jamais en s'envolant depuis la plus haute tour du château. Le château de Rânes garde d'ailleiurs la trace physique de cette histoire puisqu'on peut voir (ou plutôt deviner, en lumière rasante, sous une épaisse couche de lichen, et en y croyant très fort) la trace du petit pied que la fée Andaine a laisée sur le granit d'un des créneaux du donjon au moment de son envol fatidique.

Logo du groupe Mélusine (dessin de Claire Hénault)

Le pas de la fée Andaine sur le créneau du donjon du château de Rânes.

Le château de Rânes dans l'Orne.

Photo Dominique Lemaire

Photo Jean-François Mazet

Ce nom est aussi choisi parce qu'il correspond à la musique que le groupe veut faire, c'est-à-dire une musique qui utilise le répertoire traditionnel francophone de toutes les provinces de France, comme la fée Mélusine qui se retrouve dans toutes les régions françaises sous différentes variantes et divers noms, qui est de partout et de nulle part à la fois.

Photo Paul Spillberg

Animation des membres du Bourdon (dont les quatre membres du tout nouveau quatuor formé) rue Mouffetard à Paris le 23 juin 1973.

Photos Dominique Lemaire

Compte-rendu du spectacle de Mélusine "Tous ces vieux sortilèges" donné à l'ERA de Tremblay en Suisse - Journal "La Suisse", Genève, juillet 1973.

Le nouveau groupe tourne quelques temps avec le programme réunissant marionnettes, contes, chansons et musique (comme en témoigne ce compte-rendu d'un spectacle donné en juillet en Suisse, voir ci-dessous). Mais cette formule sera bien vite abandonnée en partie à cause du volume des marionnettes et de leur fragilité qui rendaient leur transport trop contraignant.

Le nouveau groupe Mélusine se produit au festival de Pons en juillet 1973. Dominique Regef apporte une touche originale par la présence de son violoncelle, instrument classique, à côté des vielles, du violon, des épinettes, de l'accordéon diatonique, et du chant, ce que certain(e)s, rejettant toute forme de référence à la musique écrite et classique, n'apprécient malheureusement pas toujours.

On retrouve dans le travail de cette première formation du groupe Mélusine le même type de polyphonies vocales qu'on pouvait entendre par les Escholiers, des polyphonies trouvées à l'oreille par intuition et tâtonnements, non-écrites.

On peut écouter un concert de 1973 ici sur ce site. Le nouveau groupe sera invité à se présenter et à chanter à Radio Armorique en ocrtobre 1973 lors d'une tournée en Bretagne, l'émission peut être écoutée ici sur ce site.

Yvon Guilcher est présent au festival de Pons (6, 7 et 8 juillet 1973) et en profite pour chanter avec Mélusine. Il découvre ainsi les polyphonies construites oralement que pratiquait le quatuor Mélusine, en continuation des Escholiers.

Malheureusement, Mélusine ne figure pas sur le disque 33 tours "souvenir" sorti à la suite du festival de Pons 1973 (même si on aperçoit Jean-François Dutertre avec sa vielle Pimpart au fond à gauche sur la photo de la pochette du disque).

Photogramme d'un film de Mme Monique Baly -Petit.

  • La jolie vigne - Saltarello

  • Le 1er d'avril

  • Fillettes de Champagne

  • Les rôtis

  • Suite normande (le champs de pois - mon père y veut m'y marier)

  • Chers compagnons

  • Noël bressan

  • Le galant noyé Le joli mai

  • À la porte de palais - Colin et sa blonde

Mélusine au festival de Pons (enregistrement de Mme Monique Baly-Petit)

Emmanuelle Parrenin, Dominique Regef, Jean-François Dutertre et Jean-Loup Baly au festival de Pons en 1973.

Photos Dominique Lemaire

Le groupe Mélusine en concert en 1973

Photos Guy Grégoire - Parc National des Cevennes

Le groupe est engagé par le Parc National des Cévennes pour animer des veillées pour les habitants de Florac au mois de janvier 1974.

Photos Guy Grégoire - Parc National des Cevennes

Fin 1973 ou tout début 1974, en marge de son travail avec Mélusine, Jean-François Dutertre enregistre un disque entièrement consacré à l'épinette (qui sortira en juillet 1974).

Jean-François Dutertre réunit autour de lui les musiciens qu'il cotoient régulièrement à l'époque, c'est-à-dire les autres membres de Mélusine (Jean-Loup Baly, Dominique Regef, Emmanuelle Parrenin), et Yvon Guilcher, mais aussi deux amis musiciens du Bourdon (Dominique Maroutian et Claude Lefebvre).

C'est au festival de Saint-Laurent en 1974 (weekend du 1er et 2 juin) qu'Yvon Guilcher s'intégre vraiment à Mélusine qui se produira à cette unique occasion en version quintette.

Juin - août 1974 - la fin de Mélusine version quatuor - quintette, puis le renouveau version trio

Ci-dessous une photo peut-être prise pendant le festival de Saint Laurent en 1974 (ou le festival de Pons- 1973 ?) : on y reconnaît en tournant vers la droite depuis le mileu : de face, Emmanuelle Parrenin, Dominqiue Regef et Yvon Guilcher, puis de dos : Jean-François Dutertre et Jean-Loup Baly (avec aussi Christian Gourhan (?), John Wright, Emmanuel - avec le bonnet).

Ci-dessous l'enregistrement (excrécrable, presqu'inaudible) du concert de Mélusine en version quintette, avec Yvon Guilcher, qui s'est joint pour la première fois au groupe Mélusine en public (mise en garde : sonorisation pourrie, larcen fréquents, enregistrement plus qu'amateur, météo défavorable... bref, tout est réuni pour assurer une migraine à l'archéologue du folk après une écoute complète du document !)

  • 0:00 Indicatif (Charpentier)

  • 0:44 C'est dans la ville de Vitré

  • 6:48 Bourrée d'Aurore Sand et La Brande

  • 9:01 Voilà un mois ou cinq semaines, suivi à 12:03 d'un instrumental

  • 14:05 Filles qui avez des serviteurs

  • 20:30 Devant Bordeaux sont le bateaux, suivi de La Montauban

  • 30:19 Le condamné à mort

  • 37:58 Fillettes de Champagne

  • 45:16 Chanson (solo Emmanuelle Parrenin)

  • 48:28 Mon père m'a marié (Mettre la paille avant le blé)

  • 54:03 Le Bacchu Ber

  • 57:56 Chanson (solo Yvon Guilcher)

  • 1:02.11 Sur le pont de Nantes (sur le pré de la Lande)

  • 1:06:48 Quand j'habitais chez mon père (Gai la violette)

  • 1:13:45 Les Morvandiaux (Charpentier)

Photo Dominique Lemaire

Festival du Viala en Lozère, 30 et 31 août 1974

(photogrammes tirés d'un film de Mme Monique Baly-Petit)

Film de Mme Monique Baly-Petit)

Film de ?

  • Bacchu ber 

  • Chant solo Emmanuelle Parrenin

  • Retour du Bacchu ber

  • Les Morvandiaux

  • Le martin au point du jour (Jean-François Dutertre et Jean-Loup Baly)

  • Pierre de Grenoble

  • Filles qui avez des serviteurs

  • Impro de voix, bourdons...sur bourdon de vielle.

Mélusine au festival du Viala (Enregistrement de Mme Monique Baly-Petit)

Septembre 1974 :

Mélusine devient "le seul groupe au monde composé de Dutertre et de Baly et de Guilcher"

En septembre 1974, Mélusine devient "officiellement" le trio Dutertre, Baly, Guilcher. La dissolution de la première formation et la naissance du nouveau groupe Mélusine en trio est annoncé presqu'en temps réel dans  l'Escargot (le mensuel du folk), numéro 15, octobre-novembre 1974.

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La période qui voit l'accélération de la fin de Mélusine dans sa forme quatuor est aussi celle qui voit sa renaissance progressive en un trio.

Après le festival de Viala (commune de St-André-de-Lancize en Lozère) dans les Cevennes qui a lieu les 30 et 31 août 1974, Emmanuelle quite le groupe Mélusine. Durant toute l'aventure Mélusine, elle se produisait également en duo avec son (ex)-mari le violoneux Philippe Fromont; il devenait vraiment trop difficile pour Emmanuelle de concilier les deux formations tout en s'ocupant de son jeune fils Matthieu qui particpait à toutes les tournées. Peu de temps après, c'est Dominique Regef qui choisit de rejoindre Steve Waring à Lyon pour de nouvelles aventures musicales. Jean-François Dutertre et Jean-Loup Baly se retrouvent seuls et proposent alors naturellement à Yvon Guilcher de continuer l'aventure dans une version trio.

À l'été 1974, Dutertre, Baly et Guilcher participent au stage de musique ancienne de Chapeau Cornu à Vignieu en Isère, stage est organisé par Michel Gentilhomme, chef de choeur et pédagogue de la région de Besançon. Ils rencontrent à cette occasion Bernard Têtu, futur chef de choeur de l'ensemble vocal de Bourgogne (avec lequel le futur trio Mélusine collaborera dans le cadre de plusieurs projets de musique ancienne - sur les liens de Mélusine avec la musique dite "ancienne", voir ici sur ce site).

C'est durant ce stage que les trois compères s'essaient à des polyphonies vocales à trois. Ce type d'exercice est totalement nouveau pour Yvon qui doit se lancer sur la chanson La Péronelle. C'est aussi durant le même stage que Baly, Dutertre et Guilcher se produisent pour la première fois en trio.

Été 1974 : Baly, Dutertre et Guilcher participent au stage de Chapeau Cornu

(Concert de Mélusine sous sa nouvelle forme en trio - stage de Chapeau-Cornu  en Isère (1975)

À la suite du stage de Chapeau Cornu et de son contact des musiciens de musique "ancienne", Yvon Guilcher, qui s'est, en plus de la flûte à bec, déjà mis aux cuillers et au bodhrán, va continuer à diversifier son instrumentarium, en s'attaquant progressivement aux instruments auquels sa pratique de la flûte à bec lui donne assez facilement accès : en plus du tournebout (ou cromorne), il s'intéresse au hautbois baroque, puis par la suite à la chalemie, au hautbois du Poitou, au chalumeau, à la clarinette, à la cornamuse, et plus tard encore il se mettra à jouer de diverses cornemuses (gaita, cornemuse flamande, cornemuse bourbonnaise 16 pouces). Yvon Guilcher va se mettre assez vite au bodhrán et aux cuillers, et va aquérir un cromorne soprano, instrument dont il aime la sonorité, dont le doigté est proche de celui de la flûte, et qu'il connaît des microsillons de musique de la Renaissance que possédaient ses parents. Il va développer une technique personnelle de jeu de cet instrument, très liée, loin de celle qui avait cours dans les ensembles de musique ancienne de l'époque.

C'est au cours de cette même année 1974 que Jean-Loup Baly achète une belle épinette à James Trussart, luthier de Longuyon (54) installé depuis peu sur la colline de Sion près de Nancy.

Le contrat entre les membres de Mélusine et Polydor, le 31 mars 1975 est consultable ici sur ce site.

Le premier disque de Mélusine - enregistré en juillet 1975 et sorti chez Polydor en septembre 1975.

Polydor se montre intéressé par le travail du groupe, et le 31 mars 1975, un contrat entre Jean-François Dutertre, Jean-Loup Baly et Yvon Guilcher (Mélusine) et la firme Polydor est signé pour l'enregistrement d'au moins deux disques. 

Un hautbois baroque figure en bonne place sur la photo de la pochette du disque, avec l'accordéon "Vienna" Hohner de Jean-Loup et la vielle Pimpart de Jean-François. Pour la petite histoire, Yvon venait d'acheter cet instrument mais ne le maîtrisait pas encore suffisament bien; c'est donc André Thomas, un sonneur breton de bombarde  (champion de Bretagne en 1972 en couple Kohz) qui joue de ce hautbois d'amour dans la bourrée "Para lou loup". 

Printemps 1975 : Mélusine signe chez Polydor

Alöors que Jean-François Dutertre a quitté son poste de phonothécaire au musée de l'Homme courant 1972 et que Jean-Loup Baly a démissionné de l'Éducation Nationale en janvier 1973 (ils sont donc tous les deux musiciens professionnels et vivent de leurs seules activités musicales), Yvon Guilcher n'a pas quitté son poste d'enseignant en allemand au lycée militaire de Saint-Cyr l'École et est de ce fait moins beaucoup disponible pour les concerts. Le groupe Mélusine se produit le plus souvent possible à trois, mais quelques fois à deux (Baly et Dutertre) - "les deux tiers de Mélusine". La maison de disques Polydor finance donc deux versions différentes d'affiches pour les tournées et les concerts du groupe.

Photo Dominique Jacques Touroute

Photo : Dominique Lemaire

Le groupe Mélusine chantant sa chanson "phare" : "Le matin au point du jour", accompagnée au bodhrán .

Photo : Dominique Lemaire

Au moment où le quatuor Mélusine se dissout au milieu de l'été 1974, un projet de disque était déjà bien avancé : l'enregistrement avait eu lieu en janvier 1974 par Spaceship Earth Control (Yannick Leroi-Gourhan). Le projet intéressait Polydor mais la firme de disques exigeait un nouvel enregistrement, ce à quoi le groupe s'opposait. C'est donc au Chant du Monde que l'album paraîtra, mais beaucoup plus tard que prévu, bien après la disparition de Mélusine quatuor, à l'automne 1975, c'est-à-dire presqu'en même temps que le tout premier disque de la nouvelle formation du groupe en trio chez Polydor, qui a l'exclusivité du nom Mélusine en lien avec Dutertre et Baly (et Guilcher). Ce nom ne peut par conséquent pas figurer sur la pochette de l'album qui parît au Chant du Monde. C'est pourquoi aucun nom de groupe ne figure sur le disque qui prend le titre "le galant noyé", titre d'une des chansons phares de l'ancien groupe Mélusine.

En 1975, un autre disque est enregistré au Chant du Monde et sort la même année sous le titre "Le roi Renaud - Ballades françaises". Si il ne s'agit pas d'un disque de Mélusine à proprement parler, le projet réunit tout de même quatre des musiciens chanteurs sur les cinq qui composent les deux formations (à quatre et à trois) : Jean-François Dutertre, Jean-Loup Baly, Dominique Regef, Yvon Guilcher (Emmanuelle Parrenin a définitivement quitté le groupe), avec en plus Naïk Raviart au chant (l'une des soeur d'Yvon) et Dominique Maroutian à la guitare, et la polyphonie à trois voix sur la chanson du Roi Renaud inaugure une façon de chanter et un son bien caratéristiques à Mélusine dans sa version Dutertre, Baly et Guilcher. Pour les même raisons liées au contrat d'exclusivité chez Polydor, aucune mention de Mélusine ne figure dans ce disque. Le Roi Renaud sera pourtant l'une des polyphonies vocales les plus appréciées du trio Mélusine durant les nombreux concerts jusqu'à la fin de l'histoire.

Période Polydor : 1975-1981

Mélusine en trio (Dutertre, Baly et Guilcher) en registrera six albums chez Polydor. C'est la "grande" période Mélusine, la plus longue, la plus productive, la plus riche musicalement. Les voix de Jean-François Dutertre, Jean-Loup Baly et Yvon Guilcher s'accordent parfaitement, ayant chacune un timbre particulier, chacune restant parfaitement reconnaissable dans les nombreuses poyphonies vocales qui seront l'une des signatures du groupe.

fin des années 1970 : arrivée progressive de Jacques Mayoud, musicien déjà bien connu dans le milieu folk, au sein de Mélusine.

Jacques Mayoud est né à Lyon en 1954. Il est le fils de Renée Mayoud-Visconti, enseignante en musique et militante jociste de l'éducation populaire par le chant dans les banlieues de Lyon, et baigne donc dès l'enfance dans la musique et la chanson. Il forme en 1970 un groupe de folk américain avec son frère jumeau et sa cousine. Il cotoie dès 1971 Steve Waring que sa mère a accueilli à Lyon et avec lequel elle crée le groupe d'éducation musicale "La Guimbarde" avec les FFC (Francs et Franches Camarades). C'est aussi en 1971 qu'il rencontre d'autres membres du folk club parisien le Bourdon et notamment Jean-Loup Baly et Jean-François Dutertre lors de leurs passages à Lyon, en particulier à la MJC des États-Unis dans le 8ème arrondissement, son quartier. En 1974, il devient professionnel en participant au groupe fondé par Steve Waring auquel participe aussi Dominique Regef qui vient de quitter Mélusine et qu'il rencontre à ce moment-là.

En 1975, Jacques Mayoud intègre le groupe La Bamboche. Après deux ans et deux disques (Bamboche 2 - "Joli mois de mai" sorti en 1976 -  et Bamboche 3 - "Quitte Paris" sorti en 1977), il quitte le groupe avant le tournant "électrique" de celui-ci pour se consacrer à des spectacles plus personnnels et moins "folk" mêlant entre autres le théâtre et la chanson française ainsi qu'à une collaboration avec sa mère Renée pour des productions destinées aux enfants (qui déboucheront sur plusieurs albums; les deux premiers étant sortis à l'époque de son arrivée dans Mélusine : "Le serpent à sornettes" en 1979 chez Orange Labels, "Au jardin de Mélusine" chez Auvidis en 1981).

Pour plus de détails sur le parcours musical de Jacques Mayoud, voir son site ici.

Jacques Mayoud (au centre) en compagnie de Jean-François Dutertre (à droite) et de Christian Oller (à gauche) - vers 1974 (Festival de Saint-Laurent ?)

Photo : Dominique Lemaire

À partir de 1979, Jacques Mayoud remplace ponctuellement Yvon Guilcher, notamment pour deux tournées des JMF (Jeunesses Musicales de France) en 1979 et 1981.

Depuis sa formation en trio en 1974 et la sortie du premier album en 1975, le groupe se produit le plus souvent possible au complet, mais aussi très fréquemment dans une formation réduiute aux deux-tiers, un duo composé de Jean-François Dutertre et Jean-Loup Baly. Yvon Guilcher est toujours enseignant d'allemand à l'école militaire de Saint-Cyr ce qui limite sa disponibilité aux périodes de vacances scolaires, aux week-ends, ou aux dates en région parisienne.

Les arrangements vocaux et instrumentaux qui ont fait le succés du groupe et que l'on entends sur les disques ne peuvent pas être reproduit en duo, ce qui enttraîne parfois des décéptions chez les spectateurs assisant aux concerts. Les polyphonies vocales notamment, qui commencent à faire la renommée du groupe, et qui ont été construites dès le départ à trois, sont évidemment beaucoup moins riches à deux.

En 1979, les JMF (Jeunesses Musicales de France) proposent à Mélusine une tournée en Rhône-Alpes.  Yvon n'étant pas disponible, Jean-François et Jean-Loup propose à Jacques Mayoud de lse joindre à eux. Jacques Mayoud est,  comme les membres de Mélusine, multi-instrumentiste et chanteur. Comme on l'a vu, Jacques Mayoud est déjà bien connu sur la scène folk et connait bien les trois membres de Mélusine pour les avoir cotoyés dans divers festivals (surtout celui de Saint Laurent en 1974 organisé par le folk club La Chanterelle de Lyon) et stages (notamment ceux de Chapeau-Cornu, Renée Mayoud étant l'une des administratrices de l'association du château).

Première tournée de Mélusine avec les JMF, fin 1979 (photo Jean-François Dutertre).

À partir de cette époque, en plus de sa collaboration aux tournées des JMF, Jacques Mayoud se joint de plus en plus souvent à Mélusine pour d'autres concerts et tournées. Mélusine devient un groupe à géométrie variable (deux trios différents et un quatuor). À côté du répertoire en trio, le groupe élabore un programme fonctionnant à quatre, l'apport de Jacques Mayoud étant surtout son jeu de violon, mais aussi sa maîtrise d'instruments plus exotiques notammment  africains comme à  la sanza et le balafon.

Dès le tout début des années 1980, Mélusine tourne en formule quatuor, notamment en Belgique et aux Pays-Bas. Jacques Mayoud est alors bien intégré à Mélusine qui se produit de plus en plus à quatre.

Cette nouvelle formation est "officialisée" par la sortie du disque "Passionnément" sorti en 1985.

Ce disque est enregistré à l'église libanaise de Paris (Notre-Dame du Liban) dont l'acoustique naturelle met particulièrement en valeur les polyphonies vocales. La présence d'oiseaux nichant dans l'église ajoute à l'atmosphère sonore particulière de ce disque et notamment à celle de la magnifique chanson en polyphonie "La Passion" dans laquelle on entend distinctement les pépiements  des oiseaux entre les couplets.

Il n'a pas été facile pour Jacques Mayoud de trouver sa place et sa voix dans les polyphonies vocales déjà bien rôdées en version trio et de se fondre dans un groupe dont les membres se connaissaient et chantaient ensemble depuis longtemps. Lorsqu'ils tournaient à trois pour les JMF et qu'ils chantaient des polyphonies vocales, sans Yvon Guilcher, Jean-Loup faisait sa deuxième voix habituelle et Jacques Mayoud se contentait alors de reprendre la mélodie à l'octave inférieure en doublant Jean-François Dutertre. Le contrechant d'Yvon était alors simplement absent. Dans les chansons polyphoniques pour lesquelles la voix principale était normalement tenue par Yvon, Jacques Mayoud la reprenait et Jean-François et Jean-Loup chantaient leurs contrechants habituels. Quand il s'est agit de créer de nouvelles polyphonies, Jacques n'avait pas beaucoup d'autres choix que de se cantonner dans les basses en utiklisant la mêmes techniques, doublage à l'octave de la voix principale ou de créatiopn d'un contrechant "bourdonnant" dans les basses et donnant une assise solide à l'ensemble. L'effet est est particulièrement réussi dans les deux "nouvelles" polyphonies du groupe qui figure sur ce premier disque en version quatuor : "l'amuseur de filles" et surtout dans "la passion".

Section en cours, à suivre...

Quelques références bibliographiques et liens pour cette section

Sur l'histoire du mouvement folk en France :

Rouvière, Valérie : "Le mouvement folk en France (1964-1981)", travail de maîtrise d'Histoire culturelle contemporaine, 2002. Consultable ici (en quatre parties - tout en bas dans la liste), ou ici.

Sur le folk-club le Bourdon :

Un petit diaporama fait par Dominique Maroutian en 2013 résumant bien la création du Bourdon et du folk en france, jusqu'à aujourd'hui, est à voir ici.

Les deux articles de Jean-François Dutertre :

"Folk, sexe et politique", Trad Magazine, numéro 110, novembre-décembre 2006 , en ligne ici.

"L'envol du Bourdon", 2010, consultable ici.

Sur le hootennany du Centre américain de Paris :

Gasnault, François : “Hootenanny Au Centre Américain: L’invention de La Scène Ouverte à La Française (1963-1975)L’Homme, no. 215/216, 2015, pp. 149–69. Consultable ici.

Un colloque informel sur les hootenannies du Centre américain et Lionel Rocheman organisé par François Gasnault le 16 juin 2018 à la médiathèque de Bagnolet. Le son est malheureusement très mauvais. Tout est intéressant, et particulièrement  le témoignage de Jean-Loup Baly à partir de la minute 35:00. ici.

Une interview d'Yvon Guilcher par Péroline Barbet en 2021 sur le site de la FAMDT, dans laquelle il raconte notamment son arrivée au Bourdon en 1969, et la naissance de Mélusine en trio : écoutez ici.

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